L’apiculture en Beauce : Histoire d’une exploitation marginale

L’apiculture en Beauce : Histoire d’une exploitation marginale

Les débuts de l’apiculture au Québec

L’abeille à miel n’étant pas indigène à l’Amérique, elle a dû être transportée ici par les premiers colons. On dit même que les Amérindiens n’avaient pas de mot pour désigner l’abeille et ont donc d’abord référé à elle comme étant « la mouche de l’homme blanc ». Les premières mentions d’apiculture en Amérique remontent à 1630 au Massachusetts… mais ici, au Québec, les débuts de l’apiculture sont un peu plus flous. Après leur introduction au nord des États-Unis, les abeilles auraient graduellement gagné le Québec par essaimage. Leur arrivée dans la région de Québec remonte à 1805.

Dans Histoire de l’apiculture québécoise 1608-1966, André Forget et Louis-Marie Turcotte expliquent en introduction que plusieurs confusions dans les écrits historiques ont contribué au flou entourant les débuts de l’exploitation du miel au Québec. Les auteurs, pour leur part, situent les balbutiements de l’apiculture au Québec vers 1884 et soutiennent que les premiers apiculteurs auraient été des loyalistes américains venus s’établir dans la région du Missisquoi. Ils indiquent toutefois que le premier apiculteur francophone connu serait le curé Charles Bégin, qui a été actif dans la paroisse de Saint-Vincent-de-Paul de l’île Jésus entre 1804 et 1824. À peine quelques décennies plus tard, en 1844, 7 818 essaims d’abeilles étaient recensés au Québec ! Fait intéressant, on apprend que, dans les années 1830, certaines ruches importées des États-Unis transitaient par le port douanier de Sainte-Marie, en Beauce.

La suite de l’ouvrage de Forget et Turcotte est fascinante et montre une histoire riche pour l’apiculture au Québec. Si le sujet vous intéresse, nous vous recommandons fortement la lecture de ce livre ! Pour la suite de ce billet, nous nous concentrerons toutefois sur l’exploitation du miel dans notre région.

 

Provenance : Société du patrimoine des Beaucerons, Collection PR129 Claude Loubier

L’apiculture en Beauce

Peu de mentions sont faites par rapport à l’exploitation du miel dans la Beauce dans les sources sur lesquelles nous avons pu mettre la main pour l’écriture de ce billet. Forget et Turcotte mentionnent les régions qui avaient été désignées comme étant les plus prometteuses pour l’apiculture étaient plutôt celles du Lac-Saint-Jean, de l’Abitibi et du Témiscouata.

Tout porte à croire que l’apiculture est demeurée une industrie pour le moins marginale dans la Beauce. En effet, on peut lire dans Le bulletin des agriculteurs du 24 mai 1928 que l’exploitation du miel en Beauce reste très peu connue. Cette affirmation semble être confirmée par un inventaire des ressources naturelles et industrielles du comté municipal de Beauce publié en 1941 et qui recense uniquement une dizaine d’apiculteurs en Beauce dont l’exploitation se limite à environ 45 ruches. Il est mentionné que cette exploitation est principalement réservée à la consommation personnelle et que les revenus reliés à la vente de miel sont pratiquement nuls dans la région.

Malgré cela, il demeure que de la formation est disponible en Beauce pour qui souhaite se familiariser avec l’apiculture. En effet, l’enseignement de cette discipline fait partie du curriculum de la formation agricole offert au Collège de Sainte-Marie au début du 20e siècle. On y trouvait d’ailleurs un rucher d’environ 40 ruches. Cette photographie du Fonds PR091 Studio Fournier montre d’ailleurs un groupe d’étudiants posant près de deux des ruches du collège. Un peu plus loin, au Collège Sainte-Anne-de-La-Pocatière, on retrouvait une ferme expérimentale importante qui exploitait des ruches.

 

Provenance : Société du patrimoine des Beaucerons, Fonds PR091 Studio Fournier

 

Aussi marginale qu’elle ait pu être, on retrouve tout de même quelques rares mentions de l’exploitation du miel en Beauce dans l’actualité. C’est le cas par exemple d’un article publié en 1942 dans Le Guide et qui détaille des modalités du rationnement du sucre pour les apiculteurs beaucerons. Ces derniers pouvaient, malgré les mesures de rationnement importantes requises par l’effort de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale, obtenir davantage de sucre afin de pouvoir nourrir leurs abeilles pendant leur période d’hivernage. Il est d’ailleurs intéressant de mentionner que la rareté du sucre engendrée par ces mesures a mené au développement d’un marché noir du miel dans la province.

Une autre mention d’apiculture dans les journaux est en lien avec une activité organisée au rucher d’Armand Dulac à Sainte-Marie dans le cadre des Journées apicoles de 1947. Nos recherches par rapport à cet apiculteur sont toutefois restées muettes ! En connaissez-vous un peu plus sur lui?

 

Provenance : Société du patrimoine des Beaucerons, Collection PR129 Claude Loubier

 

Et les Beauceronnes dans tout ça?

En Beauce, il était possible pour les femmes d’avoir accès à des ressources pour devenir apicultrice. En effet, les Cercles de fermières offraient de la formation en apiculture à ses membres et l’École ménagère de Sainte-Marie enseignait aussi cette discipline. Le réseau de solidarité La Bonne Fermière rendait aussi disponible aux femmes de la région du matériel d’apiculture.

Malgré cela, il demeure que la contribution des femmes à l’apiculture est peu abordée dans les écrits historiques, et cela peut importe la région ou l’époque. Forget et Turcotte demeurent toutefois convaincus que leur participation aux activités d’apiculture, même si elle semble être demeurée dans l’ombre, était non négligeable. Ils notent par exemple que les religieuses de plusieurs congrégations avaient des ruchers et exploitaient le miel dans les débuts de l’apiculture au Québec.

Conclusion

Le miel n’aura vraisemblablement jamais réussi à voler la place du sirop d’érable au numéro un du palmarès des sucres favoris des Beaucerons et Beauceronnes ! Il demeure néanmoins que son exploitation aura fait partie du quotidien de quelques familles de la région ! C’est d’ailleurs toujours le cas puisque la Beauce compte tout de même quelques mielleries où il est possible de s’approvisionner en miel bien de chez nous ! Nous espérons que vous avez apprécié cette petite incursion dans le monde de l’apiculture !

Rédaction : Andréanne Couture

Sources

Histoire de Beauce-Etchemin-Amiante de Serge Courville, Institut québécois de recherche sur la culture, 2003, 1047 p.

Histoire de l’apiculture québécoise d’André Forget et Louis-Marie Turcotte, Abbaye cistercienne d’Oka, 1997, 250 p.

L’École ménagère de Sainte-Marie Beauce, Le Guide, 17 juillet 1947, p. 1 et 4.

Les Cercles de fermières : cent ans d’expertise et d’engagement dans les arts textiles, article de Jocelyne Mathieu dans Les Cahiers des dix, Numéro 68, 2014, p. 93-118

L’apiculteur et le rationnement du sucre, Le Guide, 29 juillet 1942, page 2.

Pour augmenter les profits en agriculture, Le bulletin des agriculteurs, 24 ma 1928, p. 2

Inventaire des ressources naturelles et industrielles, 1941, comté municipal de Beauce, ministère des Affaires municipales, de l’Industrie et du Commerce, 1941, 244 p. 

Journées apicoles en octobre, L’action populaire, 9 octobre 1947, p. 7